jeudi 2 mai 2013

Sud Kivu, dans la plaine de la Ruzizi, le pire est possible!

Les tensions inter-communautaires qui gangrènent la plaine de la Ruzizi depuis des années se font de plus en plus vives et prennent des allures encore inattendues mais prévisibles dans le contexte global de l'Est de la République Démocratique du Congo. Il n'est pas exclu qu'en ce temps du feuilleton M23 au Nord Kivu, les politiciens de ce mouvement cherchent des ramifications au Sud Kivu à travers ce conflit.

Les tireurs des ficelles identitaires et minoritaires s'agitent et se repositionnent au détriment de la paix et la stabilité dans cette partie de la Province, poumon agricole du Sud Kivu. Sociologiquement, la plaine est un mélange de populations d’origines différentes. On y retrouve presque toutes les tribus même si certaines sont numériquement et sociologiquement majoritaires. On y trouve les bafuliros, les baviras, les barundis, les bashis, les baregas, les babembes, les bangalas, etc.

Tous ces peuples vivent en harmonie sauf dans une entité coutumière (la chefferie) où les tensions sont vives entre les bafuliros qui sont les plus nombreux et les occupants historiques et les barundis qui gèrent. Ces deux communautés vivent depuis longtemps (en 1961, 1964, 1974 et en 2012-13) de vives tensions qui ont souvent conduit à mort d'hommes.

Loin d'être un conflit inter ethnique comme d'aucuns le pensent et le voudraient, il s'agit plutôt d'un conflit de pouvoir. Politiquement, on parle d'un conflit entre les barundis et les bafuliros. Vu de loin, on pourrait penser à un conflit extra-frontières entre les congolais (bafuliros) et les barundis du Burundi. Loin s'en faut.

Une première question se pose : existe-t-il des barundis au Congo ? Oui et non. Oui, dans la mesure où il existe une communauté des réfugiés burundais, reconnu en tant que telle, venue en 1972 et jouissant justement du statut de réfugié. Ceux-ci ne sont pas impliqués directement dans le conflit.
Et non, car logiquement, en dehors des réfugiés, on ne peut ni ne devrait parler des burundais congolais. Sauf dans le cas de la manipulation politicienne : on entend parler aujourd'hui de banyarwandas congolais selon l'actuelle expression du Président Kaguta Museveni de l'Ouganda. Les banyarwandas sont des habitants du Rwanda et les barundis les habitants du Burundi, il n'y a pas de confusion à faire à ce propos.

Certes, à l'issue de la colonisation, de la conférence de Berlin, des émigrations dans la région et des guerres fratricides qui ont marqué l'histoire du Rwanda comme celle du Burundi, beaucoup de burundais et de rwandais se sont retrouvés et installés du côté congolais. Mais s'ils ont acquis alors la nationalité par naturalisation ou par le principe du jus soli, pourquoi s'identifient-ils encore et toujours comme des burundais ou des rwandais ? Logiquement parlant, en dehors des réfugiés susdits, il n'existe donc pas des burundais au Congo mais il existerait des congolais d'origine burundaise, comme il existe des français d'origine algérienne. Ceux-ci ne s'appellent plus algériens malgré leur origine mais des français à part entière et sont fiers de l'être.

Nous devons rappeler ici que le point chaud du conflit est situé surtout dans la cité de Lubérizi, une des cités de la collectivité chefferie de la plaine de la Ruzizi. Située à 75km de Bukavu, sa population actuelle est estimée à 19000 habitants composés de plusieurs communautés dont les bashis, les banyindus, les baregas, les babembes, les barundis et les bafulirus qui sont majoritaires du point de vue numérique. De toutes ces communautés, seules les bafulirus et les barundis sont en conflit ouvert depuis des années.

En effet, les bafulirus qui se disent autochtones s'insurgent contre les barundis qui, dénoncent-ils, ont exercé un pouvoir illégal dans ce qu'ils considèrent comme leur contrée. Ainsi ils n'ont jamais cessé de réclamer la fin du règne barundi sur cette entité administrative puisqu'ils considèrent que ceux-là sont des immigrés qui se sont établis dans la région comme des transfuges politiques.
Faux, rétorquent les barundis qui soutiennent être au Congo à l'issue de la conférence de Berlin qui a séparé beaucoup de peuples avec le découpage territorial de l'Afrique, et que par conséquent ils sont des ayant droit autant que les autres populations congolaises.

De part et d'autre, la manipulation des vérités historiques à laquelle on assiste dans cette affaire, n'est rien qu'une récupération politicienne dans un environnement régional où les identités sont devenues des instruments d'accès et de maintien au pouvoir. Depuis le génocide rwandais du 6 avril 1994 de triste mémoire et la transplantation de ses conséquences au Congo avec les guerres cycliques qu'il y a engendrés : l'ethnicité, la victimisation, l'auto marginalisation, la xénophobie, etc. sont devenues des éléments tactiques et la sève sans laquelle apparemment il n'y aurait aucune politique possible en Afrique centrale.

Le deuxième semestre 2012 et ce début 2013 ont vu la flamme du conflit reprendre de l'ampleur jusqu'à conduire à des morts d'hommes (civils et policiers), des activités agricoles et la circulation routière sur la nationale 5 ont été paralysées des semaines durant le mois d'avril 2012. Même s'il y a un calme apparent, la situation est très précaire et les deux parties se regardent en chiens de faïence. Leurs positions sont radicales et tranchées.

La goutte qui a fait déborder le vase fut le lâche assassinat non revendiqué du Mwami Ndabagoye II le 27 août 2012 à 20h chez lui alors qu'il se préparait à être réhabilité et intronisé comme chef de la chefferie dite de barundis après plusieurs années d'absence obligée. Mais, qui a tué ce chef coutumier (mwami) et pourquoi ? En dehors de toutes supputations et déductions , il est difficile de le savoir car les enquêtes judiciaires sont en cours et n'ont pas encore abouti.

En dépit des déboires que cette situation de conflit entre bafulirus et barundis engendra les années d'avant, en 1928 l'administration coloniale créa la chefferie des barundis et cette entité fut dirigée par un certain Ndabagoye. Cette érection de la chefferie barundi rentrait dans la volonté coloniale d'affaiblir les pouvoirs des chefs autochtones Fuliru et Vira en les personnes de Makunika, Muluta et Mukongabwe réputés réfractaires aux ordres coloniaux.

Ceci fut donc une des erreurs coloniales puisque, depuis lors, les autres populations autochtones ont commencé à contester cette chefferie jusqu'aujourd'hui. En 1964, Antoine Marandura lança une tentative de reprise de la collectivité entre la main des barundis. Ceci favorisa alors la présence de forces mulelistes dans le territoire d'Uvira avant de s'étendre dans l'autre partie de la province du Sud Kivu.

Dès lors, on est passé de conflit en conflit selon qu'on changeait le dirigeant à la tête de cette circonscription. Aujourd'hui encore l'environnement d'insécurité de l'Est avec l'avènement du M23 et la ferme volonté du pouvoir en place de remettre le pouvoir aux barundis sont en train de chauffer les esprits.

Fort de l'histoire, le gouvernement devrait avant toute initiative et par des méthodes démocratiques, creuser le fond de la question pour prévenir le pire.

De temps à autre, il y a des tueries ciblées, des affrontements, des scènes de violence et tout cela se passe loin des caméras. Personne ne semble s'en préoccuper plus sérieusement. Certaines ONG essaient par des méthodes et des approches propres de limiter les dégâts, mais la solution pérenne ne viendra que du gouvernement. S'il est difficile d'imposer une gestion collégiale et participative de la chefferie en faveur de toutes les communautés, le gouvernement devra alors accepter d'ériger l'entité en secteur comme le demande une partie de la communauté. Ainsi les populations auront désormais à élire leurs dirigeants au lieu d'imposer des dirigeants non acceptés par tous. C'est le prix à payer pour ramener définitivement la paix dans la plaine de la Ruzizi et permettre aux jeunes engagés de manière virulente dans ce conflit, de s'adonner désormais aux activités champêtres et agricoles.

1 commentaire:

  1. il est regrettable de voir que certaines personnes, mal grès leur niveau intellectuel, s'adonnent a publier des choses se basant sur des sentiments et non sur la réalité historique. L'histoire ne s'efface jamais, ne se modifie jamais. Elle constitue l’identité le patrimoine de tout un peuple.
    La comparaison faite avec les Algériens naturalisés français n'a aucun rapport avec le peuple Barundi vivant dans la pleine de la Ruzizi. Pourquoi ne pas prendre l'exemple aussi proche et tangible que tout peuple congolais connaissant la géographie de son cher pays, peut bien comprendre?
    En général, les noms de toutes les tributs congolaises sont les mêmes que pour les langues qu'elles parlent ( Mukongo= Kikongo, Mubembe= Kibembe...)
    Alors pour le peuple étant congolais parlant kirundi, voulez vous qu'il s'appelle comment? Et si il s'appelle Murundi c'est différent d'un burundais de nationalité. Il y a une différence bien français entre une tribut et une nationalité. Si non un MUTEKE s'appellerait il de quelle nationalité car sa tribut s'etend du Gabon jusqu'en RDC en passant par le Congo brazza et au Cameroun?
    C'est ce genre des publication qui attise toujours le feu dans la paline de la Ruzizi. Cette collectivité s’appelait avant Collectivité des Barundi, quand bien même les intérêts malveillants ont fait que l'on change sa dénomination. ce qui a altéré l’identité de ce peuple. Pourquoi cette question se pose toujours a l'Est de la RDC? et non a l'Ouest, au Nord et au sud?
    Je recommanderait a notre gouvernent de bien vouloir revoir le cours de géographie de notre pays. car il est vrai que beaucoup des congolais ne connaissent pas très bien la répartition spatiale des population en RDC. Quant a l'histoire, elle est bien écrite bien que certains ne veulent pas la reconnaître.

    Les Barundis, n'ont jamais refuse de vivre avec les autres congolais ( la constitution en est claire en la matière en rapport avec l’établissement de tout congolais sur l’étendu du territoire.).
    Seule la reconnaissance de l’autorité établie leur pose problème.

    En outre, le rapport fait entre la situation M23 et la crise dans la pleine de la Ruzizi ne pas établi. Ce n'est qu'une histoire montée de toute pièce par CAPSA-Grand Lacs, et sans fondement. Publions des choses qui soinent scientifiquement prouvées et non nos sentiments incontrôlées car ils y a des conséquences néfastes qui peuvent en découler.

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